Saturday, March 19, 2011

Fuite radioactive au Japon, quelle fuite?

Une semaine vient de s'égrainer depuis le tremblement de terre du 11 Mars 2011.
Le monde semble inquiet de la situation, ici, au Japon, je n'arrive pas à décerner la moindre inquiétude dans mon entourage, la vie va comme si de rien n'était, pendant cette semaine terrible là-bas, dans le nord, ici, dans le centre du pays, j'ai été invité à des banquets de médecins bourrés et fiers de leur brillante carrière, des diners de fonctionnaires joyeux et sans soucis, des Karaokés pour des soirées de chant Enka et des Love hotels complets où il faut y faire la queue... Personne ne semble concerné, personne ne sait que penser, personne ne sait que faire.
Seul les médias me confirment qu'il y a outre le drame du Tsunami et les milliers de victimes encore introuvables ou sans aide, une catastrophe qui terrorise le reste du monde.

Une catastrophe nucléaire n'est pas une première au Japon, les étrangers semblent oublier ou ignorer que le Japon est le spécialiste des catastrophes nucléaires et de la désinformation.


Ce billet est à lire en suite au précédent afin de mieux comprendre l'état d'esprit du gouvernement et des agences nationales. (si vous ne l'avez pas fait, je vous invite à vous rattraper avec le lien ici)

La désinformation du gouvernement réussit dans une certaine mesure à dissoudre les doutes de la population dans leur pays, mais malheureusement certains squelettes assez effrayant sont cachés dans les placards bureaucratiques du Japon.

Je vous présente une sinistre agence appelée Donen, chez qui cacher des information devient carrément effrayant.
Donen, un acronyme japonais pour Power Reactor and Nuclear Fuel Development Corporation, gère le programme de l'énergie nucléaire du Japon.

A Monju, le réacteur nucléaire à neutrons rapides près de Tsuruga, qui a subi une fuite importante de sodium liquide à partir de son système de refroidissement en 1995, les responsables de Donen ont d'abord déclaré que la fuite était "minime".
Le "minime" s'est avéré être une fuite de plus de trois tonnes, le plus grave accident de ce type dans le monde. (L'histoire se répète, tremblement de terre de Kobe, le Yen à son plus haut, catastrophe nucléaire, le tout en 1995).

Mais ils réussirent facilement à remédier à cette difficulté en cachant la preuve: le personnel de Donen a édité un film pris sur les lieux, en ne relâchant que cinq minutes de valeur inoffensives et découpé les quinze minutes qui montrent les graves dommages, y compris sur les vues du thermomètre sur les tuyaux qui fuient et les extrusions d'un type de glaçons de sodium.

L'attitude de Donen envers le public au moment du scandale de Monju en dit long sur les fonctionnaires qui prennent pour acquis qu'ils peuvent toujours se cacher derrière un mur de déni.
Le lendemain de l'accident, le président du conseil de la ville de Tsuruga est allé rendre visite à l'usine Nucléaire de Monju et les fonctionnaires de Donen lui ont tout simplement fermer la porte au nez.

Kishimoto Konosuke, le président du Comité Atomique et de l'Energie Thermique de Tsuruga, a déclaré: "Donen était plus soucieux de dissimuler l'accident que de nous expliquer ce qui se passait. Cela montre ce qu'ils pensent de nous."

Malgré la colère généralisée du publique et le souci de Monju (qui est resté fermé pour le reste de la décennie), le même scénario s'est répété en Mars 1997, cette fois ci des fûts remplis de déchets nucléaires ont pris feu et ont explosé dans une usine à la ville de Tokai au nord de Tokyo, en libérant des niveaux élevés de radioactivité dans l'environnement.

En mai 1994, les journaux ont révélé que 70 kg de poussière de plutonium et de déchets s'étaient rassemblés dans les tuyaux et les convoyeurs de l'usine de Tokai; Donen avait connaissance du plutonium manquant (assez pour construire pas moins de vingt bombes nucléaires), mais elle n'a rien fait jusqu'à ce que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a demandé une reddition de comptes.
À ce jour, Donen prétend avoir aucune idée où le plutonium est coincé ou comment l'enlever.

"Nous savons que le plutonium est là", a déclaré un responsable. "Il est juste coincé dans le système."

Étant donné que la valeur de plusieurs bombes nucléaires de poussière de plutonium ont été perdus quelque part dans l'usine de Tokai, il y avait une grande préoccupation du public sur le feu à Tokai.

Pourtant, le rapport initial de Donen était un désastre, dans certains endroits, il disait: "Des matières radioactives ont été libéré", et dans d'autres "Aucune matière radioactive n'a été libéré", affirmant que les travailleurs ont confirmé dans la matinée que l'incendie était sous contrôle, alors que ce n'était pas sous contrôle (Les gestionnaires avaient fait pression sur les employés pour changer leurs histoires); déformant la quantité de la fuite dematière radioactive, qui s'est avéré être plus grande que déclarées par un facteur de vingt.

Incroyablement, le jour de l'explosion, soixante-quatre personnes, y compris des étudiants en sciences et en génie et des stagiaires étrangers visitaient le complexe, allant même se rendre dans un bâtiment à cent mètres de la site de l'incendie et personne ne les a jamais informé de l'accident.

Quelques semaines plus tard, Donen révéla qu'elle a attendu 30 heures avant de signaler une fuite de tritium radioactif dans un réacteur thermique avancé, Fugen.

Cela était une amélioration, parce que pour les onze cas de fuites de tritium au cours des deux dernières années et demi précédent l'incident de Tokai, Donen n'avait jamais fait de rapports.

Une réforme, toutefois, était sur le chemin: Donen a été "dissous" et rebaptisé Genden en mai 1998, prétendument pour apaiser la colère publique. Aujourd'hui, sous ce nouveau nom, l'agence nucléaire continue de fonctionner avec le même personnel, les mêmes bureaux, et la même philosophie, comme avant. (Genden, est devenue Japan "Nuclear Cycle Development Institute" qui a merger en 2005 pour devenir l'actuel JAERI "Japan Atomic Energy Research Institute")

Ce ne sont pas seulement les organismes gouvernementaux tels que Donen-Genden qui sont à la traîne en matière de sécurité nucléaire.
Les mêmes problèmes assaillent le secteur privé.

Les troubles à l'usine de Tokai ont atteint leur paroxysme le 30 spetembre 1999 à 10:35 lorsque les employés d'une usine de traitement de combustibles nucléaires gérées par JCO, un sous-traitant privé, ont déversés tant d'uranium dans un bassin de décantation qu'il atteint une masse critique et a explosé en une fission nucléaire incontrôlée.

C'était le pire accident nucléaire du Japon, le pire du monde depuis Tchernobyl, entraînant la mise sous séquestre de plusieurs dizaines de milliers de personnes vivant dans la zone près de l'usine.

L'explosion fut une tragédie pour quarante-neuf employés qui ont été exposés à des radiations (dont trois d'entre eux critique), mais en même temps, une comédie d'erreurs et de désinformation.

Il s'est avéré que la centrale nucléaire de Tokai n'avait pas réparé ses équipements de sécurité pour plus de dix-sept ans.
Les employés utilisaient un manuel secret préparé par les gestionnaires de JCO qui contournait les règlements de sécurité dans plusieurs domaines critiques: l'essentiel, la matière que les employés auraient du disposé via des cyclindres de dissolution et des pompes, effectuaient ces taches manuellement avec un seau.

Les facons de faire face à l'accident ne peut être décrit par aucun autre mot que celui de "primitif".

- Les pompiers ont foncés sur les lieux après que l'explosion ait été signalé, mais comme ils n'avaient pas été avertit qu'un accident nucléaire s'était produit, ils n'ont pas apporté de combinaisons de protection, bien que leur caserne de pompiers en avaient, ils se sont tous fait contaminés par des radiations.
- Dans les premières heures, aucun hôpital n'a pu être trouvé pour traiter les victimes, bien que Tokai a quinze installations nucléaires.
- Il n'y avait pas mesureur de neutrons dans toute la ville, les fonctionnaires de la préfecture ont dû faire appel à un organisme extérieur pour en fournir un; les mesures ont finalement été prises à 17 heures, près de sept heures après la catastrophe.
- Ces mesures ont montré des niveaux de 4,5 millisieverts de neutrons par heure, lorsque la limite d'exposition sécuritaire est de 1 millisievert par an, et avec cette mesure les fonctionnaires ont réalisé pour la première fois qu'une réaction de fission était toujours en cours!
- Beaucoup d'autres mesures, telles que les isotopes de l'iode 131, n'ont pas été faites jusqu'à cinq jours plus tard.

L'accident de Tokai fut un choc pour les autres nations productrice d'énergie nucléaires.
Le directeur de la China National Nuclear Corporation a commenté, "L'amélioration des techniques de gestion est la leçon essentielle que la Chine devrait tirer des leçons de l'accident au Japon, puisque la fuite s'est produite non pas à cause de la technologie nucléaire, mais à cause de la mauvaise gestion, combinée avec le déni officiel, qui sont à la source de la catastrophe."
"Oh non, un accident grave ne peut pas arriver ici", déclara un haut fonctionnaire du nucléaire japonais quelques heures après que la réaction de fission à Tokai avait commencé.

Une touche finale de suréaliste pour ce post digne de Kafka, à Tokai en 1997, les fonctionnaires de Donen étaient si indifférents que sept employés d'entretien ont joué au golf le jour de l'incendie, et sont aller jouer une autre partie le lendemain.

Enfin, tout ceci n'est que du passé et comme les japonais, faisons confiance au gouvernement japonais et sa super agence "Japan Atomic Energy Research Institute" (JAERI) pour nous tenir informer des dangers des centrales nucléaires en feu.

ps: corrigerais les fautes un peu plus tard, viens de passer plusieurs heures sur ce billet, besoin de faire une pause.

Sources:
"Report on nuclear safety postponed after Monju leak." The Mainichi Daily News 14 decembre 1995
"Monju operator takes flak for leak-video coverup" Japan Times 22 decembre 1995
"What the purpose of Monju?" The Mainichi Daily News 7 fevrier 1996
"PNC didn't warn visitors about fire." Japan Times 17 mars 1997
"Radiation leak is 20 times 1st report" Asahi Evening News 16 mars 1996
"Monju Doyo, Matamoya Shittai" Yomiuri Shimbun 13 mars 1997
"Coverup exposure scorches nuclear agency" Nikkei Weekly 21 avril 1997
"N-pplant failed to repair safety equipment for 17 years" Yale Daily News 25 novembre 1999
"Japanese Accident Is a Tale of Small Steps Not Taken" Wall Street Journal Asia 9 octobre 1999
"Clinton orders safety review of nuclear installations" Japan Times 3 octobre 1999
"Nuclear safety management stressed" China Daily 11 octobre 1999
"Workers at Tokai nuke plant played golf on day of explosion" The Mainichi Daily News 19 mars 1997

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